Tuesday 19 December 2006

Un nouveau Secrétaire

général de l’ONU

Le 13 octobre 2006, l’Assemblée générale des Nations Unies a nommé M. Ban Ki-moon, diplomate respecté de Corée du Sud, au poste de Secrétaire général de l’Organisation, sur recommandation du Conseil de Sécurité. M. Ban succédera à Kofi Annan le 1er janvier 2007, pour un mandat de cinq ans.

Selon la Charte des Nations Unies, le secrétariat est un des « organes principaux » de l’ONU, au même rang que l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité. Le SG est le plus haut fonctionnaire de l’Organisation. Il peut attirer l’attention du Conseil de Sécurité sur toute affaire qui, à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la paix et la sécurité internationale.

Le processus de sélection

Le Conseil de sécurité doit d’abord s’entendre sur le candidat à recommander à l’Assemblée générale, ce qui suppose un accord, au moins, des cinq membres permanents du Conseil (Chine, Etats-Unis, France, Royaume Uni, Russie). La tradition veut qu’il soit choisi sur la base d’une rotation géographique par région : Ban l’Asiatique succède aux Africains Kofi Annan (1996-2006) et Boutros Boutros-Ghali (1992-1996). Les deux premiers SG étaient scandinaves : le Norvégien Trigve Lie (1946-1953) et le Suédois Dag Hammarskjold (1953-1961). Ont suivi le Birman U Thant (1961-1971), l’Autrichien Kurt Waldheim (1972—1981) et le Péruvien Javier Perez de Cuellar (1982-1991). Autre règle non écrite, seuls sont élus des candidats de « petits pays », les membres permanents du Conseil de sécurité ne présentant pas de candidats. Il n’y a pas de « comité de sélection » ni de présentation ou d’évaluation publiques des qualifications des candidats.

La Charte ne précise pas les qualifications requises par les candidats : les candidats généralement font état de leur expérience diplomatique internationale. La France demande en plus la connaissance du français en plus de l’anglais.

L’expérience des prédécesseurs

Comme l’ont démontré les titulaires de ce poste, que Trygve Lie estimait être « le job le plus impossible au monde », le SG doit être à la fois un manager et un diplomate efficace. La plupart ont offert leurs bons offices aux pays en conflit. Dag Hammarskjold a « inventé » les forces de maintien de la paix pour dénouer la crise de Suez : ces forces se montent actuellement à plus de 92.000 personnels militaires et civils. L’ONU et Kofi Annan jouent un rôle important dans les crises du Moyen-Orient, le Darfour, les problèmes de prolifération nucléaire (Iran, Corée du Nord).

L’ONU et son SG, Kofi Annan, ont reçu conjointement le Prix Nobel de la Paix en 2001. Comme l’a indiqué le Comité Nobel dans sa déclaration, l’ONU dans son histoire a obtenu de nombreux succès, et a subi de nombreux revers. L’accusation de partialité de Dag Hammarskjold, considéré par beaucoup comme le meilleur SG, lui ont valu d’être déclaré persona non grata par l’URSS, alors que son indépendance et ses déclarations lui ont valu l’hostilité des Etats-Unis pendant la guerre du Vietnam, et celle des puissances coloniales pour ses positions en faveur du Tiers Monde.

La déclaration de Kofi Annan à la BBC en septembre 2004 selon laquelle la guerre d’Irak était un acte illégal en contravention de la Charte des Nations Unies a été accueilli avec colère par l’administration Bush. Annan a souffert des accusations contre l’ONU pour l’inaction de l’Organisation pendant le génocide au Rwanda et le massacre de Srebrenica. Les accusations de mauvaise gestion du personnel et le scandale du Programme Pétrole contre nourriture l’ont également atteint.

Annan a fait des déclarations courageuses pour affirmer l’universalité des droits de l’homme, il a obtenu des engagements des leaders du monde entier sur les questions de développement, de santé, de lutte contre le sida, d’environnement et d’éducation. Il a ouvert l’Organisation sur le monde des entreprises. Par contre, il s’est heurté à la résistance des pays du groupe des 77 et de son propre personnel à la réforme du secrétariat.

Tous les SG sont placé dans la « situation impossible » de devoir représenter tous les 192 Etats membres, petits et grands, avec leurs différences politiques, économiques, militaires et culturelles, tout en évitant de heurter de front les grandes puissances.

Il est probable que M. Ban aura besoin de toutes ses qualités reconnues de diplomate pour exercer une influence sur les conflits des prochaines années. A l’occasion de sa première conférence de presse, M. Ban, qui sera le huitième titulaire du poste, a identifié trois domaines prioritaires : ramener la confiance entre toutes les parties prenantes, poursuivre la réforme de l’ONU et rétablir la cohérence et la coordination de l’organisation.

Yves Beigbeder

A new Secretary-General

for the United Nations

On 13 October 2006, the UN General Assembly appointed Mr Ban Ki-moon, a respected South Korean diplomat, to the post of Secretary-General of the Organization upon the recommendation of the Security Council. Mr Ban will replace Kofi Annan on 1 January 2007, for a five-year term.

According to the UN Charter, the secretariat is one of the « principal organs » of the UN, at the same level as the Security Council and the General Assembly. The SG is the chief administrative officer of the Organization. He may bring to the attention of the Security Council any matter which in his opinion may threaten the maintenance of international peace and security.

The selection process

The Security Council must first agree on the candidate to recommend to the General Assembly, which implies a consensus of at least the five permanent members of the Council (China, France, Russia, United States, United Kingdom). By tradition, the candidate is chosen on the basis of geographical rotation by region : the Asian Ban is the successor to the Africans Kofi Annan (1996-2006) and Boutros Boutros Ghali (1992-1996). The first two SGs were Scandinavian : the Norwegian Trygve Lie (1946-1953) and the Swedish Dag Hammarskjold (1953-1961). They were followed by the Burmese U Thant (1961-1971), the Austrian Kurt Waldheim (1972-1981) and the Peruvian Javier Perez de Cuellar (1982-1991). As another unwritten rule, only candidates from « small countries » are elected, the permanent members of the Security Council do not offer candidates. There is no « selection committee », no public presentation or evaluation of the candidates’ qualifications.

The Charter does not specify the qualifications required of candidates : candidates usually are diplomats with international experience. In addition, France requires that they know French, in addition to English.

The experience of former SGs

As demonstrated by the incumbents of the post, which Trygve Lie described as « the most impossible job on Earth », the SG must be both an effective manager and diplomat. Most of them have offered their good offices to countries in conflict. Dag Hammarskold has « invented » the peacekeeping forces to bring to an end the Suez crisis : these forces now include more than 92 000 military and civilian personnel. The UN and Kofi Annan play an important role in the crises of the Middle East, Darfour, problems of nuclear proliferation (Iran, North Korea).

The UN and its SG, Kofi Annan, jointly received the Nobel Peace Price for 2001. As stated by the Nobel Committee in its announcement, the UN has in its history achieved many successes, and suffered many setbacks. The alleged lack of neutrality of Dag Hammarskjold, considered by many as the best SG, caused him to be declared persona non grata by the USSR, while his independence and declarations aroused the hostility of the USA during the Vietnam War, and that of the colonial powers for his positions for the Third World.

Kofi Annan’s declaration to the BBC in September 2004 that the Iraq war was an illegal act that contravened the UN Charter was met with anger by the Bush administration. Annan has also suffered from the accusations against the UN for the inaction of the Organization during the Rwanda genocide and the Srebrenica massacre. The charges of poor staff management and the scandal of the Oil for food programme have also affected him.

Annan made courageous declarations affirming the universality of human rights, he obtained commitments from leaders of the whole world on questions of development, health, fight against AIDS, environment and education. He opened the Organization to the business world. On the other hand, his reform proposals for the secretariat were resisted by the Group of the 77 and by his own staff.

All SGs are placed in the « impossible position » of having to represent all 192 Member states, small and large, with their different political, economic, military and cultural differences, while trying not to alienate the big powers.

It is likely that Mr Ban will need all of his recognized qualifications as a diplomat in order to exert an influence on next years’ conflicts.At his first press conference, Mr Ban, the eighth incumbent of the post, has identified three priorities : to rebuild trust among all stakeholders, to stay the course with ongoing reform of the Secretariat management, and to enhance coherence and coordination.

Yves Beigbeder

Thursday 30 November 2006

Le Rwanda et la France

Lettre de lecteur envoyée au journal Le Monde
Votre article: France-Rwanda: l'ombre du génocide continue à peser*

(22 novembre 2006)

Vous citez le travail "remarquable" de la mission parlementaire française d'information présidée par Paul Quilès. La commission avait une mission d'information, et non d'enquête: contrairement aux missions parlementaires américaines, elle n'avait aucun pouvoir de comparution de témoins ni de témoignages sous serment avec sanctions judiciaires. La commission était sous l'influence des autorités gouvernementales et a travaillé en partie à huis-clos. Son rapport a blanchi la France.
Par contre, le rapport de l'Organisation pour l'unité africaine (OAU, remplacée depuis par l'Union africaine) de juillet 2000 a conclu que la France a été l'allié le plus proche du gouvernement rwandais qui a été coupable d'abus massifs des droits de l'homme et n'a pas cherché à influencer ce gouvernement pour qu'il cesse son action. Pour la commission de l'OAU, la position du gouvernement français selon laquelle il n'avait aucune responsabilité pour le génocide du Rwanda était "entièrement inacceptable". Un de ses membres, le Canadien Stephen Lewis, a déclaré qu'il n'y avait presque aucune excuse pour la conduite de la France au Rwanda. La France aurait dû présenter ses excuses, ce qu'elle a toujours refusé de faire, contrairement à l'ONU, la Belgique, l'Afrique du Sud et l'Eglise anglicane.
(Malgré les preuves irréfutables du soutien politique et militaire de la France au gouvernement Hutu génocidaire avant et pendant le génocide, des hommes politiques influents (Roland Dumas, Alain Juppé) ont exprimé leur "fierté légitime" pour l'action de la France au Rwanda).
Seul Michel Rocard a estimé que la France avait commis "une faute géopolitique", et avait choisi "le mauvais côté".

Yves Beigbeder

J'ajoute à cette lettre publiée, par Le Monde des 3-4 décembre 2006, avec une coupure marquée par des parenthèses sur le texte ci-dessus.
Le 22 novembre 2006, Le Monde annonçait que le juge français Bruguière, le magistrat de la lutte anti-terroriste, sortant de son rôle, avait signé une ordonnance pour communiquer les conclusions de son enquête sur l'assassinat, le 6 avril 1994, du président rwandais Juvénal Habyarimana, évènement déclencheur du génocide. Bruguière mettait en cause le président Paul Kagame et neuf personnalités rwandaise dans l'attentat contre l'avion. Bruguière jugeait que Kagame avait prévu et instrumentalisé les massacres déclenchés ensuite par le pouvoir Hutu: " les représailles sanglantes envers la communauté tutsie lui offriraient le motif légitime pour reprendre les hostilités et s'emparer du pouvoir avec le soutien de la communauté internationale". Kagame bénéficiant de l'immunité accordée aux chefs d'Etat, Bruguière a même demandé au Secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, de saisir le Tribunal pénal international pour le Rwanda pour engager une poursuite contre Kagame: Annan n'a aucune compétence en la matière, et le TPI est indépendant.
A première vue, ces annonces donnaient l'impression que le gouvernement français cherchait à nouveau à se dédouaner de toute responsabilité à l'égard du génocide au Rwanda, par une manoeuvre particuliérement maladroite évoquant Gribouille.
En somme, il fallait oublier le génocide d'environ 800 000 tutsis commis par le gouvernement Hutu et ses milices, et blâmer les Tutsis d'avoir eux-même provoqué les massacres !
Il fallait également oublier le rôle de la France qui a entraîné et armé l'armée du gouvernement Hutu, qui a aidé cette armée à repousser une première offensive des troupes Tutsi en 1990, a permis à l'Opération Turquoise de laisser fuir les dirigeants et troupes génocidaires Hutu vers le Congo. Par une étrange aberration soutenue par les autres dirigeants français, le Président voulait joindre un Rwanda francophone (ex-colonie belge) à notre "empire" post-colonial au nom de la Francophonie: l'ennemi était Kagame l'anglophone.
Le 28 novembre 2006, Le Monde découvrait "les erreurs et les étranges témoins du juge Brugière ...

Friday 17 November 2006

La victoire de Ségolène

Elle a gagné ! Elle a défait deux éléphants, malgré les chausse-trappes et les coups bas. Popularité médiatique, des coups de canif contre l'idéologie du Parti, des propos inattendus, une femme, enfin, qui prétend à la magistrature suprême, une femme à convictions, dure et sûre d'elle-même. Enfin une petite éclaircie dans le climat morose de la politique intérieure française.
Pour moi, DSK était le candidat le plus compétent, et, enfin, essayait de transformer le vieux Parti sclérosé en parti social-démocrate, c'est-à-dire un parti de réforme progressive, comme la plupart des partis socialistes européens, et même les anciens partis communistes en dehors de la France. Ségolène le suivra peut-être sur cette voie, quand elle aura sa pleine liberté d'expression. DSK, premier ministre de Ségolène, pourquoi pas ?
La défaite de Fabius est la bienvenue, les socialistes eux-mêmes n'ont pas accepté sa conversion tardive et démagogique de dirigeant bourgeois libéral en gauchiste révolutionnaire. Sa dissidence du Parti socialiste pour casser l'Europe m'a particulièrement choqué. La France et l'Europe mettront des mois et peut-être des années à se remettre du "non" français, dont il est en partie responsable. Après la nouvelle de la victoire de Ségolène hier soir, Paul Quilès, un de ses partisans, a essayé de remettre en marche la "machine à perdre": accepter sa victoire peut-être, mais la surveiller de près pour qu'elle garde la route bien à gauche. Fabius et Quilès ne savent donc pas que les élections se gagnent au centre, et qu'il n'y a pas de majorité de gauche en France, sauf exception. Aux Etats-Unis, les democrates ont gagné en se rapprochant du centre, et en limitant les positions excessives.
Je ne suis pas totalement convaincu par Ségolène et j'attends des propositions plus claires. Re-nationaliser industries et banques serait catastrophique, élargir les 35 heures, qui ont déjà affaibli l'économie française, également. Je n'ai pas aimé son soutien à José Bové, qui massacre illégalement des moissons en ignorant royalement les connaissances scientifiques et l'expérience de nombreuses populations qui bénéficient des plantations OGM.
J'espère qu'elle pourra trouver de nouvelles idées pour relancer l'Europe, en accord avec d'autre Etats membres.
Certaines idées de Sarkosy me plaisent, en particulier la discrimination positive (ou action positive) en faveur des minorités dites visibles, donc d'origine africaine, maghrébine ou asiatiques, pour les aider à trouver du travail et un logement: une action temporaire et énergique, et également visible, est cruciale pour éteindre les incendies des banlieues, et que tous prennent leur place dans la nation. Par contre, je n'aime pas son patriotisme économique ni ses attaques contre les juges: respect pour la séparation des pouvoirs (inexistante en France).
J'aime bien Bayrou, un modéré centriste, et un Béarnais (comme ma famille), aux propos intelligents, mais dont les chances dans la bataille sont malheureusement modestes.
Voilà, pour l'instant !
Yves Beigbeder 17 nov. 06

Monday 13 November 2006

Judging War Crimes and Torture

Even democracies commit war crimes. France, like other democracies, has not always kept up to the high standards expected from the „homeland of human rights”. Its colonial past shows that what it termed its “civilizing mission” was tainted with military, economic and religious abuses, denounced by a few courageous groups and individuals, and revealed in a few public trials. The Vichy government’s willing participation in Jewish persecution during the German occupation of France was ignored or denied until trials (Barbie, Touvier, Papon) brought to light these unpleasant facts in the 1990s. France’s participation in the Nuremberg and Tokyo Tribunals was relatively minor but useful. However, its participation in later international tribunals (Ex-Yugoslavia, Rwanda) revealed a few conflicts between French politics and the work of these tribunals. France’s participation in the International Criminal Court is also reviewed. These developments show that even democratic countries, like France but not France alone, can commit war crimes, crimes against humanity and even be accomplices in genocides. Reasons include pressures in exceptional periods of internal and/or external political/military tensions, nationalist policies, lack of judiciary independence, and lack of media exposure to abuses. However, past crimes must be recalled and exposed, particularly if they have been hidden, covered by amnesties, and not judicially punished. They must be visible as part of a country’s history in order to ensure that they are not repeated. Even democracies commit war crimes. France, like other democracies, has not always kept up to the high standards expected from the „homeland of human rights”. Its colonial past shows that what it termed its “civilizing mission” was tainted with military, economic and religious abuses, denounced by a few courageous groups and individuals, and revealed in a few public trials. The Vichy government’s willing participation in Jewish persecution during the German occupation of France was ignored or denied until trials (Barbie, Touvier, Papon) brought to light these unpleasant facts in the 1990s. France’s participation in the Nuremberg and Tokyo Tribunals was relatively minor but useful. However, its participation in later international tribunals (Ex-Yugoslavia, Rwanda) revealed a few conflicts between French politics and the work of these tribunals. France’s participation in the International Criminal Court is also reviewed. These developments show that even democratic countries, like France but not France alone, can commit war crimes, crimes against humanity and even be accomplices in genocides. Reasons include pressures in exceptional periods of internal and/or external political/military tensions, nationalist policies, lack of judiciary independence, and lack of media exposure to abuses. However, past crimes must be recalled and exposed, particularly if they have been hidden, covered by amnesties, and not judicially punished. They must be visible as part of a country’s history in order to ensure that they are not repeated.

Yves Beigbeder (Doct. Public Law) has written a number of books and articles on international organizations and international criminal justice. As a young graduate, he worked as Legal Secretary to the French judge at the Nuremberg Trial (March-August 1946). Following his long service with the World Health Organization, he gave courses or lectures in European and North-American universities. He is now a legal counsel for international civil servants in Geneva.

Docteur en Droit public, ancien fonctionnaire de l'OMS, il a par la suite publié de nombreux articles et livres sur les organisations et administrations internationales. Il a enseigné à l'Institut universitaire de hautes études internationales (IUHEI), à Genève, et dans des universités françaises américaines et canadiennes. Il fut également Chargé de recherches à l’Institut des Nations Unies pour la Formation et la Recherche (UNITAR).